Le COVID-19 confine la recherche sud-américaine
À la différence d’autres pays d’Amérique latine, le Brésil a pris peu d’initiatives en amont car le gouvernement et le président, Jair Bolsonaro, minimisent la crise. Ce dernier est d’ailleurs ouvertement critiqué par une importante partie de la population qui lui manifeste sa désapprobation tous les soirs à 20 heures, aux fenêtres des immeubles, en tapant sur des casseroles et en criant: « Fora Bolsonaro ! » [Bolsonoro, va t’en !].3
Le 24 mars, le Brésil comptait près de 1 600 cas confirmés du virus et 25 décès — dont 22 dans le seul Etat de São Paulo, le plus touché. La ville et l’État de Rio, en revanche, ont pris ces derniers jours des mesures de plus en plus strictes (fermeture des écoles, réduction du temps d’ouverture des supermarchés, limitation des transports publics, fermeture des plages et des restaurants, etc…). Il est important de rappeler qu’une grande partie de la population de Rio vit dans des conditions précaires : surpopulation (30% des habitants de la ville vivent dans les favélas), pauvreté extrême, absence d’accès aux soins médicaux, auxquelles s’ajoutent des problèmes d’hygiène (coupures fréquentes et prolongées d’eau courante dans les zones les plus pauvres).
Qu’en est-il des autres pays de la région ?
O. A. : Ils ont pris beaucoup plus au sérieux la menace du coronavirus. L’Argentine est le premier pays sud-américain à avoir imposé, le 20 mars, un confinement de sa population, avec 128 cas et 3 décès.4 Le Chili, qui avait déjà fermé ses frontières le 18 mars, a annoncé cinq jours plus tard, le 23, un couvre-feu entre 22h et 5h. La Colombie est en confinement obligatoire depuis le 24, le Pérou depuis le 16, date à laquelle le pays a annulé tous les vols internationaux. Toutes ces mesures devraient permettre de limiter la propagation de l’épidémie. Mais elles ont également, bien sûr, compliqué le retour en France des chercheurs, car le CNRS est très présent dans la région.
Dans tous ces projets, on retrouve toutes les disciplines de recherche allant de l’astronomie aux sciences sociales en passant par les sciences de l’environnement ou encore les mathématiques.
Mais en plus de ces « projets CNRS », les chercheurs bénéficient des programmes du Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères (MEAE) auquel le CNRS participe de manière importante, souvent d’ailleurs en cofinançant les opérations. C’est le cas des programmes régionaux comme STIC AmSud (en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication), MATH Amsud (en Mathématiques) – 17 projets cofinancés dans ces deux programmes cette année - et à partir de 2020 CLIMAT Amsud (sur les sciences de l’environnement, au sens large). Avec le Brésil en particulier, le CNRS s’est associé au programme GUYAMAZON (projets de recherche transfrontaliers entre la France et le Brésil en Amazonie). Les programmes bilatéraux du type Programme Hubert Curien viennent s’ajouter à cette liste. Les 5 premiers co-publiants de nos laboratoires en Amérique du Sud (1500 co-publications par an) sont l’ESO (European Southern Observatory – observatoire européen installé au Chili), l’Université de Sao Paulo (Brésil), le CONICET (Argentine), l’Université du Chili et l’Université Pontificale du Chili (Chili).
Comment maintenez vous le lien avec les agents sur place ainsi que la prise en charge de requêtes parfois très différentes ?
O. A. : En adéquation avec les différentes mesures prises par le gouvernement français pour circonscrire la propagation de l’épidémie et face à la généralisation de la contamination à travers le monde, nous avons contacté l’ensemble des agents sur le territoire aux alentours du 16 mars. À cette date, environ 170 chercheurs se trouvaient en Amérique du Sud, devaient s’y rendre dans les jours suivants ou y avaient séjourné les jours précédents. Toutes les missions à venir ont été annulées. Si une majorité des chercheurs en mission courte ou longue durée ont préféré écourter leur séjour et rentrer en France, certains ont eu des difficultés à trouver des vols : en effet, au fur et à mesure que les pays sud-américains fermaient leurs frontières, certaines liaisons aériennes n’étaient plus assurées.
Qu’en est-il des International Research Laboratories et autres collaborations pendant cette crise ?
O. A. : Compte tenu des mesures restrictives, mises en place par tous les pays d’Amérique du Sud et par la France, qu’il s’agisse du confinement, de l’annulation des missions ou des fermetures de frontières, il est évident que la coopération est réduite ou, en tout cas, altérée pendant cette période particulière. Les responsables des IRL en Amérique du Sud signalent notamment des conséquences sur leurs activités telles que l’annulation des missions de chercheurs ou étudiants et la mise en place de systèmes de supervision des étudiants à distance, l’arrêt des observatoires chiliens (ESO, ALMA, LCO) et des programmes en cours, l’annulation d’un certain nombre de conférences et congrès, la modification des échéances pour les appels à projet, et la mise en suspens des expériences en laboratoire.
En ce qui concerne le fonctionnement quotidien, les réunions en mode visio-conférence et le télétravail sont de mise pour l’ensemble des personnels des laboratoires internationaux de notre zone, à l’exception de ceux qui exigent une continuité de service, comme par exemple le maintien des cultures d'algues, tant à Roscoff qu’à Santiago (IRL Biologie evolutive et ecologie des algues, Santiago de Chili/Roscoff). Pour les IRL comme l’Instituto Franco-Argentino para el Estudio del Clima y sus Impactos – IFAECI (Argentine) ou encore le Laboratoire Franco-Chilien d'Astronomie - LFCA (Chili), le télétravail a probablement un peu moins d’impact dans la mesure où les chercheurs peuvent se connecter aux serveurs de modélisation ou de calcul à distance. En outre, cette période de réclusion à domicile est mise à profit par nombre d’entre eux pour avancer dans la rédaction d’articles scientifiques.
Notes
- Chercheuse à l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM – CNRS / ENS Paris) depuis 2002, Olga Anokhina est spécialisée dans l’étude du processus créatif des écrivains plurilingues. Depuis 2015, elle dirige Multilinguisme, traduction, création, une collection en open access qu’elle a créée chez Éditions des Archives Contemporaines (EAC).
- Ces outils structurent en un lieu identifié les présences significatives et durables de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire).
- https://plus.lesoir.be/288949/article/2020-03-20/bresil-face-au-coronavirus-la-methode-bolsonaro
- Ces chiffrent évoluent quotidiennement.
- IRL Centre de Modélisation Mathématique – CMM, INSMI (Chili); IRL Biologie evolutive et écologie des algues - EBEA, INEE (Chili, Santiago de Chili/Roscoff); IRL l’Instituto Franco-Argentino para el Estudio del Clima y sus Impactos – IFAECI, INSU (Argentine); IRL le Laboratoire Franco-Chilien d'Astronomie – LFCA, INSU (Chili); IRL Jean Christophe Yoccoz – IMPA, INSMI (Brésil); IRL Institut Franco-Uruguayen de Mathématiques et leurs Interactions - IFUMI, INSMI (Uruguay).
- IRN – International Research Network; IRP – International Research Project; PRC Projet de Recherche Conjoint; PICS - Projet International de Coopération Scientifique; IEA – international emerging action.
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