Jamal Tazi, la recherche dans les gènes
Il révolutionne le traitement contre le Sida
Chercheur, franco-marocain et directeur adjoint du pôle biologie et santé de l’université de Montpellier, il a identifié une molécule qui, demain, changera la vie des malades du Sida. Entretien avec Jamal Tazi, dont le parcours est semé de rencontres décisives.
Rencontre avec la recherche à Montpellier
Jamal Tazi estime avoir fait de « belles rencontres » au cours de sa vie professionnelle. Au moins trois. Sans doute le chercheur franco-marocain en génétique moléculaire, médaille de l’innovation 2017 du CNRS, les a-t-il largement provoquées, fort de ses éclats de rire francs et contagieux. Sans doute cette affirmation est-elle aussi le fruit de sa modestie, laquelle est à la hauteur de son génie scientifique.
La première rencontre remonte à ses années d’étudiant. Jeune homme né à Rabat, c’est en 1981 qu’il arrive à Montpellier pour suivre un master de biologie moléculaire. Le professeur Philippe Jeanteur le repère, dirige sa thèse, l’encourage à aller se perfectionner à Vienne, puis lui propose d’intégrer le CNRS et l’institut de génétique moléculaire qu’il vient de créer. La discipline est encore pionnière.
Des années de recherche moléculaire
La deuxième rencontre a lieu des années plus tard, en 2007. Depuis le début des années 2000, Jamal Tazi travaille avec l’Institut Curie sur des molécules susceptibles d’empêcher le mécanisme responsable de maladies génétiques. Le travail de recherche est d’abord fait de tâtonnements et d’échecs, avant d’ouvrir de fabuleuses perspectives. Comme quand son équipe arrive à identifier une molécule capable de bloquer la réplication du virus du Sida.
Problème : le laboratoire de Jamal Tazi n’a pas la surface financière pour lancer les tests cliniques. Contacté par le département de biochimie de Montréal, le chercheur hésite car les conditions financières sont sans commune mesure avec les siennes. Mais il aime sa vie à Montpellier. Et surtout il a rencontré Bernard Pau, un autre chercheur montpelliérain du CNRS qui met à sa disposition son réseau institutionnel et financier. Un coup de pouce décisif qui le mène à la troisième rencontre.
Découverte décisive pour les malades du Sida
Philippe Pouletty, cofondateur et directeur général de Truffle Capital, un des leaders européens du capital-risque, croit immédiatement au projet de Jamal Tazi et à l’extraordinaire potentiel de la molécule découverte. Aux côtés du CNRS, de l’université de Montpellier et de la région Languedoc-Roussillon, il le soutient dans la création de sa société de biotechnologie, un laboratoire coopératif alliant fonds publics et privés. Nous sommes en 2008 et la phase de tests cliniques peut débuter. Tests qui mènent à une nouvelle découverte capitale : Jamal Tazi et son équipe se rendent compte que la molécule fait baisser durablement la charge virale du Sida. Une révolution qui serait synonyme de la fin des traitements à vie ! C’est un changement de dimension pour le labo. Fruit de la fusion de trois sociétés, le groupe Abivax est créé en 2014. Son entrée en bourse occasionne « la meilleure levée de fonds de toutes les entreprises de biotech » : 52 millions d’euros.
La molécule est aujourd’hui en phase II d’essais cliniques avant de pouvoir être commercialisée. Avec le groupe Abivax, Jamal Tazi et son équipe travaillent à son utilisation pour des pathologies inflammatoires telles que la maladie de Crohn. Un nouveau défi pour le chercheur. Aujourd’hui soutenu par la Banque publique d’investissement (BPI) et par la région Occitanie, il s’enflamme : « la France doit continuer d’accorder les moyens suffisants à la recherche fondamentale ! Celle-ci joue un rôle essentiel : aucun laboratoire ne peut s’en passer pour développer ses produits. Il faut faire en sorte qu’elle reste de haut niveau en France ». Le parcours de Jamal Tazi en est sûrement la meilleure illustration.
Photos © Pierre Le Tulzo – Animal pensant
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