L’art pour patrie
Née à Beyrouth et issue d’une double culture libanaise et roumaine, Nadine Fattouh est désormais galeriste à Paris. Chaque année, elle organise plusieurs expositions et s’est spécialisée dans la promotion d’artistes du Maghreb et du Proche-Orient.
Un coup de foudre artistique pour Paris
Rien ou presque ne destinait Nadine Fattouh à travailler dans le milieu de l’art où elle évolue aujourd’hui. Née à Beyrouth d’un père libanais et d’une mère d’origine roumaine, elle baigne dans la langue commune à ses deux parents : le français. En 1989, sa famille quitte le Liban en guerre pour se rendre à Paris.
La ville est indissociable de son éveil artistique. Nadine Fattouh s’émerveille de tout : le nombre incalculable de musées, la symétrie des façades, l’équilibre des masses et des volumes… C’est naturellement qu’elle s’oriente vers des études à l’école du Louvre, où elle se spécialise en arts anciens. Désireuse de transmettre sa passion, elle y enseignera pendant cinq ans.
Liberté, je dessine ton nom
Liberté est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de Nadine Fattouh. Un sentiment éprouvé dès l’enfance, lors de ses nombreux séjours en Roumanie. Elle évoque avec plaisir les mémorables parties de cache-cache dans les rues de Bucarest, pourtant muselée par la dictature des époux Ceausescu.
C’est certainement cette quête de liberté qui motive la décision de la jeune femme de quitter l’enseignement. En 2001, elle intègre le marché de l’art et rejoint la galerie de tableaux anciens Jacques Leegenhoek, dans le Carré Rive Gauche.
L’exil en partage
La double culture dont Nadine Fattouh est issue nourrit ses choix artistiques. Si la jeune femme « embrasse la culture française » dès son arrivée à Paris, elle se fait vite « rattraper par ses racines ». En 2008, elle décide de porter son attention sur les artistes du Proche et Moyen-Orient, sans pour autant faire de cette inclination une exclusivité.
La galeriste entretient une relation très forte avec ceux et celles qu’elle expose, pour beaucoup exilés comme elle. C’est avec une grande admiration qu’elle évoque le parcours de Marwan, un artiste syrien de 81 ans, installé à Berlin, auquel elle consacre actuellement une mini-rétrospective. Admiration d’autant plus grande qu’elle-même reconnaît « ne pas savoir manier les pinceaux, et être incapable de transmettre ses émotions avec de la couleur ».
Une écriture en suspens
Le coup de crayon de Nadine Fattouh est peut-être maladroit, mais elle manie la langue de Molière avec une précision et un sens de la formule remarquables. Elle définit ainsi son métier comme celui de « chercheuse d’or ». Son objectif : dénicher le nouvel artiste qui lui procurera cette émotion profonde qu’elle pourra ensuite partager avec d’autres. Aussi enthousiaste qu’à ses débuts, elle aimerait posséder un jour sa propre galerie, à Paris ou ailleurs.
Si elle semble heureuse du chemin parcouru, elle ne se voit pas d’avenir tout tracé. Mais elle sait qu’il sera ancré dans le monde de l’art. Un retour au Liban serait-il envisageable ? La jeune femme ne se prononce pas. Selon ses propres termes, cet éventuel projet demeure « une écriture en suspens ».
Photographie : ©Pierre Le Tulzo / Animal pensant