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Nouvelle-Calédonie
CAMPUS FRANCE
Maryam Madjidi, romancière de l’exil

Son pays, c’est sa langue

 

Née à Téhéran, arrivée en France à l’âge de 6 ans, l’auteure de « Marx et la poupée » a reçu en 2017 le prix Goncourt du premier roman et le prix du roman Ouest-France Étonnants Voyageurs. Rencontre avec Maryam Madjidi.

 

Trois naissances et un roman autobiographique

Maryam Madjidi est née trois fois : en 1980 à Téhéran, en 1986 lors de son arrivée à Paris et en 2003, année de son premier retour en Iran. De ses trois naissances, elle a tiré un récit poétique et très sensible, « Marx et la poupée », son roman autobiographique.

Ses parents communistes sont contraints à l’exil aux premières heures de la révolution iranienne. Voilà donc la petite Maryam, 6 ans, sommée de donner ses jouets aux enfants du quartier, de laisser sa grand-mère adorée et de quitter son pays. Sommée aussi d’abandonner sa langue, le persan, pour en parler une autre, le français. Une langue qu’elle va finir par aimer si fort qu’elle en oubliera peu à peu celle de ses origines… jusqu’à la réconciliation des deux grâce à l’écriture et à la littérature.

Écrire, en français, sur l’Iran

À 12-13 ans, Maryam se rêve en médecin sans frontières. L’adolescente veut « partir en Afrique pour faire de l’humanitaire ». C’est sans compter un « super prof de français » au collège, qui lui donne envie de faire des études littéraires et d’être à son tour enseignante. Elle met alors le cap sur la Sorbonne pour une maîtrise de littérature française générale et comparée. Là, elle choisit d’étudier deux grands auteurs iraniens : le poète Omar Khayyām et le romancier Sadegh Hedayat. L’occasion de revenir en Iran pour quelques recherches documentaires en persan.

La confrontation avec l’Iran provoque chez Maryam Madjidi « une vraie crise identitaire ». « Je sublimais ce pays. Je voulais y rester, j’étais dans le délire de mes origines », raconte-t-elle. L’écriture la sauvera. Elle a toujours écrit, même enfant. Des poésies, des contes. « Après mon retour en Iran, j’ai compris que mon pays, c’était ma langue. Je me suis apaisée et réconciliée en écrivant, en français, sur l’Iran. »

Enseigner le français langue étrangère

Pour commencer à écrire l’exil, il lui faut être loin, très loin, dans un endroit qui n’a de lien ni avec la France, ni avec l’Iran, pour mieux se retrouver. Pour Maryam Madjidi, cet ailleurs sera l’empire du Milieu et Pékin où elle réside quatre ans. Elle y obtient un master de français langue étrangère (FLE) tout en donnant des cours à l’Alliance française.

Les planètes s’alignent : « en enseignant le français langue étrangère, j’ai trouvé ma voie ». La jeune femme part ensuite en Turquie où elle donne des cours à l’Institut français d’Istanbul. Sur les rives du Bosphore, dans cette ville campée entre Europe et Asie, elle finit d’écrire son roman. Rien n’est hasard.

Des prix littéraires comme un « second accueil »

Aujourd’hui, Maryam Madjidi travaille dans un centre d’accueil et d’orientation de mineurs étrangers isolés de la Croix-Rouge. Elle y donne des cours de français langue étrangère et de théâtre à des « adolescents fantastiques, dotés d’une force de vie incroyable ». La jeune auteure animera bientôt un atelier d’écriture dans la classe de son ancien prof de collège, celui-là même qui lui a donné la vocation d’enseigner. Une jolie façon de boucler la boucle.

Son deuxième roman, en cours d’écriture, parlera de l’Iran, forcément. Après la publication de « Marx et la poupée » en janvier 2017, tout s’est enchaîné comme dans un conte de fées pour Maryam Madjidi. Avec entre autres points d’orgue, deux prix littéraires prestigieux qui amènent son père à lui dire : « on nous accueille une seconde fois dans ce pays ». Son père qu’elle a senti alors « tellement fier et fort ». Sa plus belle récompense.

 

Photos © DR et Grégory Augendre-Cambon